L’atelier s’est déroulé au collège Charles Senard à Caluire-et-Cuire chaque jeudi pendant une heure et cela durant trois mois, le groupe était composé de douze élèves de 6ème et de 5ème, et quatre élèves de l’Unité Pédagogique d’Intégration – jeunes adolescents présentant des handicaps tels que l’autisme.
La photographe a abordé avec les jeunes élèves le thème : Identité(s) & Racines à travers une pratique de l’autoportrait et du portrait en photographie.
Le médium-outil artistique devient un allié enrichissant, une sorte de double de soi-même pour les élèves, dans l’objectif de se réapproprier une image de soi valorisante.
Chercher leur vérité, leur propre point de vue à travers des notions techniques telles que le cadrage, les couleurs, le juste équilibre des masses, la conception de la forme, de l’espace et des motifs dans le cadre, le support, facilitent la recherche du sens.
Artiste-intervenant mais aussi médiateur, le photographe se doit d’être vigilant et délicat avec des sujets si sensibles tels que le portrait et l’autoportrait.
Aborder avec des enfants ou des adolescents en pleine construction identitaire, des questions esthétiques et de l’ordre de l’affect, de la psychologie, qui touche à l’être, au paraître, à l’intime, au regard que l’on porte sur soi et sur les autres, demeure une tâche difficile. Elle engage en effet le médiateur sur des terrains parfois glissants.
L’enjeu consiste alors à trouver une juste distance, de maintenir du respect, entre l’intervenant-médiateur et l’élève-participant.
« Créer par soi-même une image de son monde, monde quotidien comme monde intérieur. La photographie à cet égard est une chance. »
« Qui suis-je ? Qui vois-je dans le miroir aujourd’hui ? Comment les autres me voient ? Qui verrai-je dans le miroir demain ? Qui deviendrai-je ? »
L’objectif de l’appareil photographique cache, protège, résiste et crée malgré lui une médiation, mais il assure aussi une transition, une distance, un fil pour mieux saisir le réel ou son irréalité, pour approcher, reconnaître, toucher et peut-être mieux comprendre l’autre, soi et le monde.
La photographie me semble être un médium très pertinent pour les jeunes d’aujourd’hui, en quête de sens et d’identité. L’appropriation personnelle de la pratique opère parfois une confiance en soi à travers une action « un pouvoir agir ». L’acte de photographier devient alors une transmission sensible d’un message intérieur, et opère un possible de se raconter autrement : « un pouvoir dire ».
Dans l’espace scolaire, devenu un espace de médiation et de création, l’atelier de photographie a rassemblé, a crée de nouvelles amitiés avec d’autres pairs, qui d’ordinaire n’auraient jamais pu exister si naturellement. Le dispositif a reconstruit un vivre ensemble nouveau, avec des codes réinventés, avec son propre système de relations dans l’enceinte même du collège.
Cet atelier a été un moyen privilégié de développer les capacités d’expression, de sensibilisation à l’image et de socialisation ; les élèves ont ainsi pu revaloriser une image de soi, imparfaite, inachevée et développer ainsi une motivation à la création et à l’apprentissage de l’art de la photographie.
Cette aventure a donné aussi lieu à une exposition et à une publication d’un recueil des productions photographiques des élèves.
Le prolongement du travail photographique dans le corpus de l’exposition est fondamental dans le processus de reconnaissance. C’est une façon d’ancrer dans l’espace social le récit que les élèves ont réalisé grâce à l’acte photographique.
Alain Kerlan écrit à ce propos :
« La photographie et son exposition sont ainsi au croisement des capacités de base que tout être humain s’attribue, et de l’interpellation de l’autre, du recours à autrui, seuls susceptibles d’accorder à cette certitude personnelle une dimension, un statut social. Comme le souligne Paul Ricœur, l’enjeu commun aux deux pôles de cette dualité est l’identité personnelle. »